Au moment où certains pays réglementent chaque centimètre de tissu, d’autres laissent le foulard s’inventer au gré des envies. Tantôt objet de contrôle, tantôt manifeste de liberté, ce simple carré de matière résiste à toutes les étiquettes. Il traverse les époques, se faufile entre les diktats et les révoltes, et finit toujours par réapparaître, là où on ne l’attendait plus.
Des codes vestimentaires stricts l’imposent, ailleurs on l’interdit, parfois il disparaît pour renaître sous une autre forme. La frontière entre tradition et modernité se brouille sans cesse, rendant chaque foulard porteur de sa propre histoire, subtile ou revendiquée.
Des origines anciennes aux multiples traditions : le foulard à travers l’histoire
Impossible de retracer l’histoire du foulard sans parcourir le globe et remonter le temps. Présent dès l’Antiquité, il traverse l’Égypte, la Grèce, Rome et la Chine, s’adaptant à chaque culture et à chaque époque. Il sert parfois à distinguer les notables, parfois à envelopper la pudeur, d’autres fois à se protéger du soleil ou du vent. En Inde, le foulard Taj Mahal se distingue par la finesse de sa soie et la complexité de ses motifs. Les artisans de Varanasi perpétuent encore aujourd’hui le tissage à la main, la teinture au bloc, la broderie minutieuse.
Au Moyen Âge, l’Europe redécouvre le foulard avec les châles et les écharpes que portent aussi bien les nobles que les voyageurs. En Afrique, il devient un véritable marqueur identitaire, changeant de nom et de fonction selon les pays. Au Zimbabwe, c’est le dhuku ; au Botswana, le tukwi ; au Nigeria, le gélé. Les communautés Yoruba, Sénoufo, Bambara ou Touareg l’arborent lors des grandes occasions, des passages rituels, des cérémonies en hommage aux ancêtres. Le foulard n’est jamais un simple accessoire : il transporte un héritage culturel, il protège, il affirme, il magnifie.
Voici comment le foulard s’adapte à ses contextes et à ses usages :
- En soie, en coton ou en laine, il épouse les saisons, les climats et les modes de vie.
- Châle, bandana, écharpe : chaque déclinaison accompagne une histoire, une utilité, une tradition.
Au XVIIIe siècle en France, la soie et le cachemire s’invitent dans la garde-robe des élites. Le foulard devient alors un signe de raffinement, mais aussi d’ascension sociale. Au fil des décennies, il oscille entre tradition et innovation, passant des mains des tisserands aux podiums des créateurs, sans jamais perdre son aura de mystère ni sa place parmi les objets chargés de sens.
Pourquoi le foulard revêt-il tant de significations culturelles et symboliques ?
Le foulard n’a rien d’anodin. Selon l’époque, le lieu, la communauté, il prend la forme d’un symbole : appartenance, pudeur, revendication ou défi. Dans l’Égypte ancienne, il distingue les classes sociales. En Afrique de l’Ouest, il affirme la singularité du groupe, de la famille, parfois même du rite qu’il accompagne. Les noms changent, dhuku, tukwi, gélé, mais le sens demeure : chaque motif, chaque façon de nouer, chaque couleur dévoile une part d’histoire.
Pour mieux cerner la diversité de ses usages religieux et symboliques, voici quelques exemples :
- Dans l’islam, le hijab exprime la modestie et la foi.
- Chez certains chrétiens, le foulard accompagne la prière, signe de respect et de recueillement.
- Pour les hindous, il est présent lors des rituels ou des célébrations dédiées aux ancêtres.
- Chez les bouddhistes, il symbolise la protection et la volonté de se détacher du monde matériel.
En Afrique, le foulard structure la vie sociale. Pour une cérémonie, un mariage, un deuil, la femme yoruba ou bambara l’enroule autour de sa tête, marquant ainsi son rôle et son appartenance. Il devient signature visuelle, parfois étendard d’une émancipation silencieuse.
En Occident, le foulard en soie glisse sur les épaules d’Audrey Hepburn ou de Brigitte Bardot et se transforme en signe d’élégance, parfois même d’indépendance. En Inde, le Taj Mahal tissé à la main témoigne d’un amour éternel et d’un artisanat d’exception. La matière, la couleur, la façon de le porter : chaque détail prend valeur de message.
Le foulard aujourd’hui : entre expression identitaire et accessoire de mode
De nos jours, le foulard s’affirme comme bien plus qu’une simple pièce de tissu. Sur les podiums, il se réinvente : soie éclatante chez Hermès, motifs acidulés chez Pucci, version stricte ou rebelle selon les designers. Les grandes maisons, Dior, Chanel, Hermès, s’en emparent et l’intègrent à leur signature stylistique. Un foulard peut être clin d’œil, affirmation ou manifeste.
Dans la rue, le foulard s’invite dans toutes les routines. Porté autour du cou, attaché dans les cheveux, accroché à la anse d’un sac, il se réinvente selon les envies. On le choisit en soie pour la touche chic, en coton ou en cachemire pour la douceur, en fibres synthétiques pour leur facilité d’entretien. Les motifs floraux, graphiques ou écossais évoquent autant la tradition que la créativité contemporaine. À Paris, Londres ou Accra, il se fait signe de diversité, d’audace, de personnalité assumée.
Difficile d’ignorer son impact dans la pop culture. Madonna, Michael Jackson, Grace Kelly : tous ont adopté le foulard, chacun à leur manière. Un accessoire ? Plutôt un langage silencieux, un marqueur d’identité, un objet de désir qui se passe de discours. Parfois, il suffit d’un simple geste pour tout dire.